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L’ACACIA ET LE LOTUS

Symbole végétal de la famille des mimosées, l’acacia (Acacia dealbata) fit son entrée en franc-maçonnerie avec le grade de maître[1], troisième et dernier degré de la maçonnerie symbolique, cela dès 1726 où il est signalé, pour la première fois, dans le Graham Manuscrit[2]. La légende de maître Hiram, qui structure ce degré, fait, en effet, intervenir une branche d’acacia, branche qui désigne la présence du cadavre du maître assassiné[3].

   Pour ce qui est de sa symbolique, on peut opérer deux rapprochements : l’un, avec le bois d’acacia, réputé léger, dur et imputrescible, dont la Bible rapporte qu’il servit à la fabrication de l’Arche d’Alliance et des barres pour la transporter[4] ainsi du reste qu’à l’élaboration  du mobilier du tabernacle. Ce dernier n’étant autre que la tente qui fit office d’habitation de dieu en attendant l’édification, par Salomon, du temple de Jérusalem[5] ; l’autre, avec l’épineux qui constitue l’une des nombreuses variétés d’acacia et dont certaines légendes rapportent qu’il aurait servi à confectionner la couronne d’épines du Christ.

   Le premier type d’acacia devint, en franc-maçonnerie, un symbole de la pérennité de l’Ordre qui fait partie des « sociétés humaines qui, après avoir subi une longue oppression, sont revivifiées par la Liberté », comme le précise un rituel daté de 1945. 

   Le second fait songer, par ses épines, aux difficultés auxquelles tout initié soucieux de s’améliorer se doit de faire face.

   Par ailleurs, si l’on suit le rituel Murat de 1858, il convient de noter que la maçonnerie écarte les vices comme l’écorce de l’acacia repousse les insectes nuisibles.

   Quant au lotus, au prétexte qu’il flotte au-dessus sur les eaux troubles et que sa fleur semble léviter au-dessus de celles-ci, il incarne, aux yeux des bouddhistes, la pureté de l’éveil spirituel tout comme la renonciation au devenir (pâli et sanskrit : samsâra). Pas étonnant alors que l’on ait placé sous les pieds du futur Bouddha venant de naître des fleurs de lotus. Que l’on se souvienne ici de la scène que décrivent les rares biographies de l’Éveillé :

   « Le Bôddhisattva, aussitôt sa naissance, descendit à terre. Et aussitôt que le Bôddhisattva Mahâsattva [le futur Bouddha] y fut descendu, un grand motus perçant la terre, apparut (…). Partout où le Bôddhisattva mettait le pied, partout là aussi naissaient des lotus »[6].

   Les écoles du bouddhisme primitif compareront, très tôt, le Bouddha a un lotus, pour sa pureté et son incorruptibilité. Et Udâyin, l’un de ses élèves bien connu, de déclarer que :

« De même qu’un lotus né dans l’onde grandit

Sans être souillé par l’eau, gardant son doux parfum et sa splendeur,

de même un Bouddha qui naît en ce monde séjourne en ce monde sans être souillé davantage que le lotus n’est souillé par l’eau »[7].

  Le Grand Véhicule insistera, tout particulièrement, sur le fait que le cœur spirituel des vivants est constitué d’une multitude de qualités (amour libéré de l’illusion du soi, bienveillance active, joie sympathique, équanimité, patience…). Et que, telle la fleur de lotus, il reste intrinsèquement pur, malgré les souillures adventices l’empêchant, pour le moment, de se manifester pleinement. Conséquemment, il n’est point de vivant qui ne soit un bouddha, certes inaccompli, mais un bouddha quand même dont les qualités éclairées sont comme en attente[8]. Présente en le cœur de chacun sommeille la bouddhéité, sous la forme d’un lotus fermé ou d’une graine, pourrait-on dire[9]. Suffit alors de la libérer des pollutions accidentelles qui l’empêchent de croître. Cela au moyen de la méditation. Par un travail sur soi en profondeur, chacun a donc chance de parachever l’éveil, d’accomplir les qualités remarquables du corps, de la parole et de l’esprit d’un bouddha.

   Pour le bouddhisme tantrique indo-tibétain, le lotus représente le principe même de la méthode tantrique à savoir l’utilisation des obstacles entendus comme instruments de libération. Les racines du lotus ne plongent-elles pas dans la fange des marécages et ne tirent-elles pas de ces derniers tout ce qu’il lui faut pour se développer ? Ce qui illustre bien l’idée selon laquelle le poison peut, sous certaines conditions, devenir remède. On n’est pas loin ici du « tourner le mal en Bien » des alchimistes européens[10].

   Dans Le message des Tibétains, Arnaud Desjardins relate l’échange qu’il a eu, à ce propos, avec Sa Sainteté Dudjom Rinpotché (1904-1987), le hiérarque de la lignée Nyingma : « (…) face à une plante vénéneuse, il y a trois attitudes possibles. Il y a d’abord la peur et la prudence : c’est un poison, je n’y touche pas, je ne le regarde pas, je m’en détourne. C’est, disait Dudjom Rinpotché, l’attitude du Hinayana avec ses règles et sa discipline monastique : (…) le sexe est une occasion de chute, je n’approcherai pas une femme, je ne lèverai même pas les yeux sur elle (…). Deuxième attitude qui est, disait Dudjom Rinpotché, celle du Mahayana (…) : je peux approcher cette plante vénéneuse et même y goûter parce que je connais l’antidote. L’antidote c’est l’expérience de l’irréalité, du Vide. Le mahayaniste sait comment effacer, comment faire disparaitre le karma (le poids des actions, la loi de cause et d’effet appliquée à la croissance intérieure) par l’expérience de la non-réalité, de la non-substantialité de toute chose (…). Et puis, m’a dit Dudjom Rinpotché, il y a une troisième attitude, celle du Tantrisme, fondée sur l’absence totale de peur, qui consiste à manger de cette plante vénéneuse parce qu’on peut la digérer sans qu’elle vous fasse le moindre mal, parce qu’on peut la transformer, l’assimiler, l’éliminer. Appliquée à la Voie, c’est cette idée de transformation qui est fondamentale »[11]. Proféré autrement : « La passion peut vaincre la passion, la brûlure peut guérir par la chaleur du feu, le poison peut être neutralisé par le poison »[12].


[1] Cf. Samuel Prichard, La Maçonnerie disséquée, trad. Guy Chassagnard, éd. Dervy, coll. Bibliothèque de la Franc-Maçonnerie, Paris, 2018, p. 161.

[2] Le Manuscrit Graham in Textes fondateurs de la Tradition maçonnique 1390-1760, trad. Pierre Négrier, éd. Grasset, coll. Les Ecritures Sacrées, pp. 161-172.

[3] Sur cette légende, lire la version que relate Gérard de Nerval dans Le Mythe d’Hiram et l’initiation de Maître Maçon. L’histoire de la reine du matin et de Soliman, prince des génies, éd. La Maison de Vie, coll. La Franc-Maçonnerie initiatique, Paris, 1994, pp. 128-132.

[4] Exode, 25, 5 et 25, 10.

[5] Ibid., 26, 15 ; 37, 1, 4, 10, 15, 25, 28 et 38, 1 et 6.

[6] Lalitavistara. L’histoire traditionnelle de la vie du Bouddha Cakyamuni, trad. Philippe-Édouard de Foucaux, éd. Les Deux Océans, collection "Les classiques du bouddhisme mahâyâna", Paris, 1988, ch. VII, p. 78-79.

[7] Stances des Thera (Theragâthâ), trad. Danièle Masset, éd. Pali Text Society, Bristol, 2011, 700 et 701, p. 140.

[8] Se référer, entre autres, à Asanga, Le Message du futur Bouddha, ou la Lignée spirituelle des Trois Joyaux, trad. François Chénique, éd. Dervy, Paris, 2001, section VII, p. 97-103. 

[9] Voir, par exemple, Le Traité du Thatâgatagharba de Bu Ston Rin Chen Grub, trad. David Seyfort Ruegg, éd. Adrien Maisonneuve, coll. Publications de l’Ecole française d’Extrême-Orient, Vol. LXXXVIII, Paris, 1973.

[10] Hermès Trismégiste, Le Corpus Hermeticum, éd. Independently published, 2019, XI, 12, p. 44.

[11] Arnaud Desjardins, Le message des Tibétains. Le vrai visage du tantrisme, éd. La Table Ronde, Paris, 1966, 3ème partie, p. 121-122.

[12] Tantra de Chandamahârosana, trad. Évelyne Delamotte, éd. du Rocher, Paris, 2015 p. 142.

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